Parcours photographique

Portrait

À l’immanquable question : "Depuis quand faites-vous de la photo?", je réponds, selon mon humeur ou le temps de réponse qu'on me donne, "depuis l’âge de 7 ans", "depuis une trentaine d’années" ou encore, "depuis les années 80" ! Le tout est vrai, tout dépend de quelles photos il s’agit.

Sept ans : c'est à cet âge que mon père m’expliqua le couple "ouverture/vitesse" et son descendant obligé, la profondeur de champ, sur un vieil appareil totalement mécanique avec lequel je photographiai, émerveillée, l’eau courant sur les pierres d’un torrent de montagne. Je me souviens parfaitement du morceau de paysage cadré dans le viseur, image fixée de manière indélébile dans ma mémoire, comme il y en aura tant d’autres par la suite. La photo correspond en effet parfaitement à ce fonctionnement émotionnel "d’arrêt sur image" qui est le mien, et me permet en même temps d’en sortir, en donnant à voir les images faites et en les remettant ainsi dans le mouvement de la vie.

"Depuis les années 80", comme je dis le plus souvent. C’est effectivement dans ces années-là que j’ai passé des nuits sous l’agrandisseur, que j’ai commencé à aller voir les expos photos et non plus seulement celles de peinture ou de sculpture, et que j’ai découvert les Kertesz, Strand, Walker Evans et Claude Batho!

C’est à partir de ce moment là aussi que j’ai commencé à sortir de mon inconfortable état d’autodidacte en allant travailler avec Denis Brihat (pour le tirage), Jean Dieuzaide (pour le reportage), les sœurs Théret (pour le portrait), John Batho (pour la couleur) et que, poussée par les ami(e)s, j’ai commencé à participer à des concours et à exposer.

Mais je peux aussi répondre : "Depuis une trentaine d’années" si je parle de ma vie professionnelle. C’est effectivement en 1988 que j’acceptai avec enthousiasme une commande importante de portraits d’écrivains et démissionnai de mon poste d’universitaire. Une trentaine d’années pendant lesquels il a fallu jongler pour garder l’équilibre entre les photos avec lesquelles je pouvais gagner ma vie (travail pour la presse et les institutions) et celles plus intimes destinées à l'exposition. La difficile tension entre les deux est en train de se résoudre clairement en faveur des secondes!